CHINER
JUILLET 2015
Le martinet noir est l’un des plus grands oiseaux migrateurs du monde. Il parcourt plus de dix mille kilomètres aller / retour chaque année, partant de l’extrême nord pour rejoindre l’extrême sud. Incapable de décoller du sol, quasiment dépourvu de pattes, on dit de lui qu’il ne se pose que pour se reproduire. Il est le seul oiseau à dormir en volant, montant haut dans les courants ascendants, et remplissant ses os / plumes d’oxygène.
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Vendredi 17 juillet 2015, Nevers 58000 France. Le réveil sonne à 5h50 avenue du Général, c'est l'appel.
Les Martinet migrateurs sont prêts, en mode décollage.
Direction : Orly. Comme dans les films, nombreux tournés là, comme dans "La Jetée" de Chris Marker, unique...
Direction : Orly. Comme dans les films, nombreux tournés là, comme dans "La Jetée" de Chris Marker, unique...
Tiens, les Balkany partent aussi en vacances.
Aujourd'hui, le récit de ma jeunesse occidentale commencera par l'Orient, la Chine. Et par mes 43 ans, la deuxième partie de ma vie.
Ainsi va l'humeur du monde, et la mienne.
Vers l'Est, où le soleil se lève, d'où les réponses arrivent, et non pas vers l'Ou-est, où me porte mon attirance naturelle pour les contrées outre-atlantiques en forme de point d'interrogation, à l'allure de quête. C'est Jacques Lacarrière, rencontré au lycée, qui m'avait exposé cette théorie de l'Orient incarnant le savoir et la sagesse à l'indicatif (Est), face à l'Occident, territoire de sciences, de recherches et d'interrogations (Où est ?). Notre discussion s'était poursuivie le soir dans un café, Le Petit Verdot, rue de Nièvre. J'ai gardé la nappe en papier sur laquelle il avait dessiné ce schéma.
Ainsi va l'humeur du monde, et la mienne.
Vers l'Est, où le soleil se lève, d'où les réponses arrivent, et non pas vers l'Ou-est, où me porte mon attirance naturelle pour les contrées outre-atlantiques en forme de point d'interrogation, à l'allure de quête. C'est Jacques Lacarrière, rencontré au lycée, qui m'avait exposé cette théorie de l'Orient incarnant le savoir et la sagesse à l'indicatif (Est), face à l'Occident, territoire de sciences, de recherches et d'interrogations (Où est ?). Notre discussion s'était poursuivie le soir dans un café, Le Petit Verdot, rue de Nièvre. J'ai gardé la nappe en papier sur laquelle il avait dessiné ce schéma.
Je pars avec mon fils, mon adorable grand garçon, Maceo. A 14 ans et demi c'est son premier grand voyage. Nous avons déjà pris l'avion pour l'Italie et pour l'Espagne, mais là c'est le grand bond. Moi je n'ai pas fait de longs vols depuis mon retour du Brésil en 1998. Notre vol British Airways fait escale à Londres, puis direct pour Shanghaï, une grosse douzaine d'heures. Je suis très curieux de connaître notre plan de vol, impatient de suivre l'icône de l'avion sur l'écran du siège.
Photo très très floue du pictogramme de l'avion, London - Shanghaï.
Décollage à 15h de Londres Heathrow, arrivée 07h00 Shanghaï, je ne sais pas où sont passées les 12 heures de vol dans ce décalage. Les hôtesses de BA semblent avoir 58 ans de moyenne d'âge, c'est impressionnant, elles ont dû connaitre les avions à hélices. L'avion est rempli de chinois, surtout des jeunes. Même ceux qui ont les hublots sont collés à leur Smartphone, depuis le taxi way jusqu'à l'atterrissage, sauf quand ils mangent et dorment. Il y a 3 rangées, nous sommes dans celle du milieu, je ne ferai pas de photos du hublot, comme j'aime. Je ne dors pas. Un casque audio est fourni, nous ne savons pas où le brancher, et nous nous trompons de prise. Le petit jack casse, impossible de le retirer. Nous appelons l'hôtesse : "I think it is broken now. We have to call an engineer." Ah quand même ! Je regarde 3 ou 4 films, dont "American Sniper", dernière daube de l'excellent Clint.
Nous passons par Berlin, puis les pays baltes, au Nord de Varsovie et Moscou. 6 heures au-dessus de la Sibérie qui n'en finit plus, ça me rappelle les 6 heures au-dessus de l'Amazonie entre New-York et Sao Paolo. On est bien secoué un temps.
Nous retrouvons mon cher ami Fabrice, bientôt 30 ans que nous nous connaissons, et 10 ans qu'il est installé à Shanghaï. Nous nous sommes toujours suivis, de Nevers à Lyon, de Lyon à Paris, de Paris à Lyon, et il est le parrain laïc de mon fils. Fabrice réalise des films publicitaires et est directeur créatif associé dans une agence. Il nous attend à l'aéroport, en voiture avec chauffeur. Cool, et tellement bon de se revoir.
Il est neuf heures du matin à Shanghaï lorsque nous prenons l'autoroute qui mène de l'aéroport au centre ville.
Nous passons par Berlin, puis les pays baltes, au Nord de Varsovie et Moscou. 6 heures au-dessus de la Sibérie qui n'en finit plus, ça me rappelle les 6 heures au-dessus de l'Amazonie entre New-York et Sao Paolo. On est bien secoué un temps.
Nous retrouvons mon cher ami Fabrice, bientôt 30 ans que nous nous connaissons, et 10 ans qu'il est installé à Shanghaï. Nous nous sommes toujours suivis, de Nevers à Lyon, de Lyon à Paris, de Paris à Lyon, et il est le parrain laïc de mon fils. Fabrice réalise des films publicitaires et est directeur créatif associé dans une agence. Il nous attend à l'aéroport, en voiture avec chauffeur. Cool, et tellement bon de se revoir.
Il est neuf heures du matin à Shanghaï lorsque nous prenons l'autoroute qui mène de l'aéroport au centre ville.
Première rencontre avec les buildings.
Fabrice habite dans l'ancienne concession française, un quartier années 30 aux avenues bordées de platanes. La France administra ce quartier de 66 hectares (contre 199 hectares de concession britannique) de 1849 à 1946.
Au milieu du XIXème siècle, la Chine décide en effet de s'ouvrir au commerce international, jusque là "cantonné" au seul port de Canton. Enfin, "décide", elle y est plutôt contrainte par les grandes puissances occidentales qui lui ont infligé une sévère défaite lors des deux guerres de l'opium, entraînant la complète décrépitude de l'Empire Qing jusqu'à sa chute finale en 1911. Le commerce de l'opium, soutenu par l'Angleterre, était financé par HSBC, la "Hongkong and Shanghaï Banking Corporation" créée en 1865. Tiens tiens peut-être qu'il n'y avait pas que l'argent des Balkany dans ce container à Orly...
Ce traumatisme est encore vivant dans l'âme des chinois. Vengeance ?
40°, 95% d'humidité. On est saisi par la moiteur dès la sortie de l'avion. C'est la saison des fortes chaleurs, juste après celle des typhons et ouragans, qui gênaient le trafic aérien il y a encore 15 jours. Le jeu est de passer le plus vite possible d'un endroit climatisé au suivant. Dans les taxis, les bureaux, les magasins, l'air est glacial. On s'enrhume en 2 jours. Les nuits n'apportent pas le réconfort de la fraîcheur, les températures ne descendent pas sous les 30°.
Un bruit assourdissant provient des arbres, il ne peut être que mécanique, les climatiseurs ? Non ce sont les grillons qui chantent tout le jour.
A première vue Shanghaï a tout d'une ville occidentale en fait, en particulier dans l'ancienne concession française. Fabrice habite un joli petit immeuble années 30 de 4 étages, au bout d'une allée de 50 mètres. Le quartier est très calme, presque silencieux. Son appartement dans lequel il vient d'emménager au 3ème est chaleureux, lumineux.
A la question de savoir ce qu'il fallait que je lui ramène de France, Fabrice avait été très clair : du Pouilly ! Pouilly fumé, Pouilly-sur-Loire et crottins de Chavignol secs et frais. Le soir de notre arrivée, il avait invité une dizaine d'amis, pour une sorte de crémaillère bourguignonne. Les victuailles firent long feu, et l'on passa au Gin. Le Gin va bien à Shanghaï. Et le Spritz aussi.
Dès le premier soir nous rencontrons donc les amis de Fabrice, pour la plupart des trentenaires avec qui il travaille et vit 24/24 7/7. Il y a là José, un truculent argentin dont l'humour fera le sel et le miel de notre séjour, sa femme Pamela adorable mexicaine, Charlotte rigolote belge (pléonasme) et pas que, Victoire, flamboyante parisienne représentant une grande marque de joaillerie, Gaëtan, autre pilier du séjour, Eloi et sa future Taiwanaise, Jean-Brice do Brasil. Vers minuit nous allons tous boire un verre sur un trottoir.
Le lendemain, dimanche, jour 2. Nous partons dans le quartier moderne du Bund, là où se concentrent les plus hauts gratte-ciels, qui, non contents de gratter le ciel, transpercent carrément les nuages.
Nous montons dans la tour dite "Le Décapsuleur". Son ascenseur nous monte en une minute à 435 mètres. La tour "Shanghaï World Financial Center Observatory" culmine à 492 mètres.
Partout des contrôles, des guichets, des agents d'accueil, des rubalises, des tapis roulants et des escalators. Tout semble pensé et organisé pour assurer la fluidité des flux, et ça marche. Arrivés en haut nous embrassons la ville d'un seul regard. 25 millions d'habitants, plus du tiers de la population française !
Vu du sol ce n'est pas mal non plus. J'avais peur d'une ville de science-fiction, en fait je suis surpris par l'impression d'harmonie que dégage ce quartier. Beaux volumes, beaux espaces, architectures et matériaux variés, de la couleur et des espaces verts, et toujours cette fluidité.
Que suis-je venu faire ici ? Avant tout voir mon ami, découvrir sa vie chinoise, son rythme de fou et son environnement. Ensuite éprouver ma relation avec mon fils à 10 000 kilomètres de nos repères, découvrir sa réaction face à l'inconnu. Et enfin sentir l'atmosphère du monde qui vient, de ce nouveau monde qui se lève à l'Est, de ce peuple innombrable (au sens propre) qui sent ses ailes pousser, fort de son histoire millénaire et de son immense appétit de modernité.
Ce n'est pas un simple coup de pied au cul que je suis venu chercher ici, mais bien plutôt un véritable catapultage ! Une nouvelle dynamique, une nouvelle mise en orbite, un nouvel espoir, une nouvelle espérance... Pour moi mais pas que (je cherche encore la nuance entre espoir et espérance, je sens bien qu'il y en a une, mais laquelle ?).
Tout commence par un long tunnel; pour revenir du Bund vers le centre, nous empruntons un petit train ridicule et drôle, au décor rococo, psychédélique et ubuesque. Oui oui, tout ça à la fois. Comme une parenthèse, une transition entre une fiction féérique et une réalité plus inquiétante. Comme un tube, un colon, aussi, pour qui connaît la coloscopie. On ne sait pas s'ils ont voulu représenter l'Espace ou les fonds sous-marins. En tout cas avec R2D2 aux commentaires, c'est assez rigolo.
Ce n'est pas un simple coup de pied au cul que je suis venu chercher ici, mais bien plutôt un véritable catapultage ! Une nouvelle dynamique, une nouvelle mise en orbite, un nouvel espoir, une nouvelle espérance... Pour moi mais pas que (je cherche encore la nuance entre espoir et espérance, je sens bien qu'il y en a une, mais laquelle ?).
Tout commence par un long tunnel; pour revenir du Bund vers le centre, nous empruntons un petit train ridicule et drôle, au décor rococo, psychédélique et ubuesque. Oui oui, tout ça à la fois. Comme une parenthèse, une transition entre une fiction féérique et une réalité plus inquiétante. Comme un tube, un colon, aussi, pour qui connaît la coloscopie. On ne sait pas s'ils ont voulu représenter l'Espace ou les fonds sous-marins. En tout cas avec R2D2 aux commentaires, c'est assez rigolo.
Né en 1972, je suis de cette génération du premier choc pétrolier, des babillements du chômage, de l'arrivée du Sida, etc... Cette génération que l'on n'appelait pas encore par un X ou un Y (pourquoi les dernières lettres de l'alphabet ? Comment nommera-t-on les suivantes ?). Nous clôturons les 30 glorieuses insouciantes de nos parents, et nous inaugurons les 30 calamiteuses, une nouvelle ère angoissante d'imprévisibilité et de dangers, sans avoir encore les outils qui naîtront plus tard, Internet, porteurs d'autant d'espoirs que de calamités. Nous sommes la première génération dont le sort est moins enviable que celui de nos parents, et qui craint que le sort de ses enfants soit pire que le sien.
Et pourtant. Il faut bien rebâtir un espoir, non ?
Nous sommes faits de racines du XIXème siècle et de branches du XXIème.
Il nous faut donc être tronc. Pas d'autre solution.
Jour 3, lundi. Fabrice nous a préparé un mémo pour nous repérer et nous faire comprendre des taxis. Il nous a écrit son adresse, l'adresse du bureau, et le nom des stations de métro correspondantes. J'ai beau essayer de bien prononcer le nom des rues, il me faut toujours montrer le papier au taxi, qui répètent alors le mot que je viens de dire avec de légères différences subtiles que je perçois à peine, peut-être l'intonation ? Une tonique ? Une finale qui monte au lieu de descendre ? Lost in translation... L'anglais n'est presque jamais un recours, même à Shanghaï, et encore plus à Pékin plus tard. En tout cas pour les taxis zéro.
La vie n'est pas spécialement peu chère à Shanghaï, mais le taxi et le métro le sont. Le métro est d'une propreté et d'une ponctualité remarquables, quant aux taxis, nous n'avons jamais attendu plus d'une minute pour en chopper un. A partir de ce troisième jour, nous acquérons un peu d'indépendance, et nous parvenons à nous déplacer seuls sans trop de problèmes. Notre rythme se cale : lever fin de matinée, déjeuner avec Fabrice dans le quartier du bureau, balade l'après-midi, retour bureau vers 18h, et soirée improvisée dans la foulée.
Il faut dire que le bureau est, disons, convivial. L'agence ID CREATIONS a une quarantaine de salariés, chinois, suédois, allemands, australiens, français, belges... Un joli melting pot, moyenne d'âge 35 ans, et sans être Google les patrons savent aménager des moments de détente, entre le billard, la console et le bar. Comme toujours, que ce soit dans l'audiovisuel ou les nouvelles technologies, cette ambiance fait que les salariés passent facilement plus de 12 heures par jour au boulot. C'est ça les métiers-passion... Maceo kiffe grave, peut-être cela lui donnera-t-il des idées, des envies ?
Au-dessus de l'agence il y a une terrasse propice aux soirées tardives, aux couchers de soleil et aux barbecue. Elle domine un quartier traditionnel et un peu touristique de petites boutiques. Un horrible Bob l'Eponge sert de repère, aussi laid que pratique; il signale l'entrée d'un musée qui lui est dédié... Sisi j'vous jure... A ses côtés trône un petit autel bouddhiste.
Comme prévu, nous nous sommes enrhumés, à passer des 40° extérieurs au 20° des endroits climatisés. La clim' tourne même la nuit. On tousse sans cesse, les yeux piquent et les poumons s'encrassent. Cette crève durera tout le séjour, et encore bien après le retour. En moyenne pendant ces deux semaines, l'indice de pollution (annoncé tous les jours avec la météo) était de 194. Ils s'alertent à partir de 300. En France passés les 90, les enfants sont interdits de cour de récréation. Ici peu de gens portent un masque, et nombreux sont les joggeurs et les cyclistes en apnée dans la circulation.
Dès 6 heures du matin, les parcs - nombreux - sont envahis de retraité(e)s, qui viennent en pyjama pratiquer le Taï Chi. Ils prennent d'autant plus soin de leur santé qu'il ne fait pas bon tomber malade en Chine. Il est risqué et cher de se faire soigner dans les hôpitaux publics engorgés. Les expatriés contactent le médecin de leur ambassade en cas de besoin, et il les oriente souvent vers Hongkong ou Taïwan, surtout pour les enfants. Le première fois que Fabrice a emmené sa fille aux urgences pour des maux de tête, ils lui ont dit qu'il devait la garder pour l'opérer d'une tumeur... Il l'en a promptement exfiltrée.
Le soir du jour 3, nous dînons avec le plus vieil ami de Fabrice en Chine, Yann, qui se tâte pour revenir habiter son cher Montpellier. Il se dit très casanier, alors qu'il habite à 10 000 kilomètres de chez lui ! Fabrice lui raconte cette belle coïncidence, qui avait fini de sceller notre amitié. La première fois qu'il est venu chez moi, nous habitions avec ma mère 13 rue Adam Billault, un bel appartement donnant sur la Loire. Dans ma chambre, j'avais accroché au mur le picot d'un flotteur de Clamecy, le dernier flotteur vivant, qui en avait fait cadeau à mon père. Fabrice me demande ce que c'est, je lui explique, mais il m'arrête en disant qu'il connaît. Et que justement son grand-père était le dernier flotteur vivant. "Comment s'appelle l'ami de ton père ?" Lucien Lamoureux. Avec un nom pareil en plus. Et Fabrice de se souvenir que son grand-père lui disait qu'il recevait parfois la visite d'un ami et de ses deux enfants. Autre coïncidence dans la coïncidence, Lucien Lamoureux, cycliste et retraité de la SNCF, avait fait un voyage en Chine par le train, emmenant partout avec lui sa petite reine, jusque sur la Grande Muraille...
Nous parlons avec Yann de la situation en France, et de cette embuscade qui se prépare pour 2017 sur fond d'échec du PS. Ancien trotskiste, provocateur (redondant), il m'explique qu'il est prêt à voter Marine, pour foutre la zone et pour griller l'extrême-droite par l'exercice du pouvoir suprême. J'en avale de travers, me reprends, et lui dit calmement que jamais je ne pourrai accepter pareille stratégie à 3 bandes, ne serait-ce que par respect pour les anciens, pour les derniers vivants que j'ai encore la chance de fréquenter, ceux pour qui "Front National" signifie autre chose. Yann termine sa provocation en me disant qu'il blaguait, que jamais il ne le ferait. Je le quitte sans savoir s'il était lard ou cochon.
Les jours suivants, nous poursuivons notre programme pépère, déjeuner - visites - bureau - soirées.
Dès 6 heures du matin, les parcs - nombreux - sont envahis de retraité(e)s, qui viennent en pyjama pratiquer le Taï Chi. Ils prennent d'autant plus soin de leur santé qu'il ne fait pas bon tomber malade en Chine. Il est risqué et cher de se faire soigner dans les hôpitaux publics engorgés. Les expatriés contactent le médecin de leur ambassade en cas de besoin, et il les oriente souvent vers Hongkong ou Taïwan, surtout pour les enfants. Le première fois que Fabrice a emmené sa fille aux urgences pour des maux de tête, ils lui ont dit qu'il devait la garder pour l'opérer d'une tumeur... Il l'en a promptement exfiltrée.
Le soir du jour 3, nous dînons avec le plus vieil ami de Fabrice en Chine, Yann, qui se tâte pour revenir habiter son cher Montpellier. Il se dit très casanier, alors qu'il habite à 10 000 kilomètres de chez lui ! Fabrice lui raconte cette belle coïncidence, qui avait fini de sceller notre amitié. La première fois qu'il est venu chez moi, nous habitions avec ma mère 13 rue Adam Billault, un bel appartement donnant sur la Loire. Dans ma chambre, j'avais accroché au mur le picot d'un flotteur de Clamecy, le dernier flotteur vivant, qui en avait fait cadeau à mon père. Fabrice me demande ce que c'est, je lui explique, mais il m'arrête en disant qu'il connaît. Et que justement son grand-père était le dernier flotteur vivant. "Comment s'appelle l'ami de ton père ?" Lucien Lamoureux. Avec un nom pareil en plus. Et Fabrice de se souvenir que son grand-père lui disait qu'il recevait parfois la visite d'un ami et de ses deux enfants. Autre coïncidence dans la coïncidence, Lucien Lamoureux, cycliste et retraité de la SNCF, avait fait un voyage en Chine par le train, emmenant partout avec lui sa petite reine, jusque sur la Grande Muraille...
Nous parlons avec Yann de la situation en France, et de cette embuscade qui se prépare pour 2017 sur fond d'échec du PS. Ancien trotskiste, provocateur (redondant), il m'explique qu'il est prêt à voter Marine, pour foutre la zone et pour griller l'extrême-droite par l'exercice du pouvoir suprême. J'en avale de travers, me reprends, et lui dit calmement que jamais je ne pourrai accepter pareille stratégie à 3 bandes, ne serait-ce que par respect pour les anciens, pour les derniers vivants que j'ai encore la chance de fréquenter, ceux pour qui "Front National" signifie autre chose. Yann termine sa provocation en me disant qu'il blaguait, que jamais il ne le ferait. Je le quitte sans savoir s'il était lard ou cochon.
Les jours suivants, nous poursuivons notre programme pépère, déjeuner - visites - bureau - soirées.
Nous avions été brieffé : l'arnaque la plus courue est l'invitation à la cérémonie du thé. Un jour nous partons visiter la vieille ville. Maceo se fait aborder pour un petit couple tout mignon, parlant bien l'anglais. La jeune fille, presque ado avec son bel appareil dentaire, lui demande de les prendre en photo. Puis elle embraye : "First time in Shanghaï ? In China ? In Asia ? Where do you come from ? France ? So romantic !". Ils seraient cousins, en visite à la ville, et vous vous êtes deux copains ? Non, je suis son père. "Oh but you look so young !".
C'est là que je flaire l'embrouille... "Avez-vous déjà assisté à une cérémonie du thé ? Nous nous y rendons justement, venez avec nous si vous voulez". Clin d'oeil au gamin, on s'excuse, on décline et on trace. Maceo n'y a vu que du feu. C'est des coups à se retrouver serré par 20 gars qui te demandent des sous, certains finissent en slip.
Dans la vieille ville, nous sommes pris sous une belle averse, grosses gouttes chaudes qui nous douchent et nous font du bien.
C'est là que je flaire l'embrouille... "Avez-vous déjà assisté à une cérémonie du thé ? Nous nous y rendons justement, venez avec nous si vous voulez". Clin d'oeil au gamin, on s'excuse, on décline et on trace. Maceo n'y a vu que du feu. C'est des coups à se retrouver serré par 20 gars qui te demandent des sous, certains finissent en slip.
Dans la vieille ville, nous sommes pris sous une belle averse, grosses gouttes chaudes qui nous douchent et nous font du bien.
Je trouve la ville très photogénique, j'ai le déclic rapide, il faut que je tempère. J'adore prendre le taxi à toute heure; ils font de parfaits rails de travelling naturels.
Au soir du jour 4, nous sommes à la maison lorsque j'aperçois sous la porte des voisins, dans la cour en face, ce que je pense être des pétards qu'on allume. Je dis : "Tiens c'est marrant ils font péter des pétards dans l'appart' en face." Fabrice approche, ça ne lui semble pas logique. Ca recommence deux ou trois fois, puis de la fumée apparaît. L'immeuble commence à s'agiter, des gens crient, puis une boule de feu et des flammes. Les habitants sortent en courant, les pompiers arrivent en 5 minutes, la caserne est à côté. C'est un transformateur qui prend feu. Petit spectacle peu rassurant, rien n'est vraiment aux normes. Des normes ? Quelles normes ?
Nous commençons à préparer notre périple à Beijing, programmé du vendredi au dimanche suivant. Nous ne sommes pas là pour faire du tourisme à proprement parler, à cocher la liste des lieux à voir vus, mais ce serait tout de même idiot de ne pas aller à Pékin, et de ne pas pousser un peu plus au Nord encore pour aller voir de plus près la Grande Muraille. Charlotte nous conseille un petit hôtel pas cher, bien situé près du Temple de Confucius, et qui propose différentes excursions au départ de l'hôtel.
Après tout, la capitale n'est qu'à 1 800 kilomètres ! Nous nous préparons doucement, entre soirées bien déjantées (ici exercice du sourire bête à l'écorce de citron vert), Mall ultra-luxueux, et rencontre nocturne avec Kenny, un Hongkongais fumeur d'herbe, collectionneur d'archives et de souvenirs communistes.
Nous commençons à préparer notre périple à Beijing, programmé du vendredi au dimanche suivant. Nous ne sommes pas là pour faire du tourisme à proprement parler, à cocher la liste des lieux à voir vus, mais ce serait tout de même idiot de ne pas aller à Pékin, et de ne pas pousser un peu plus au Nord encore pour aller voir de plus près la Grande Muraille. Charlotte nous conseille un petit hôtel pas cher, bien situé près du Temple de Confucius, et qui propose différentes excursions au départ de l'hôtel.
Après tout, la capitale n'est qu'à 1 800 kilomètres ! Nous nous préparons doucement, entre soirées bien déjantées (ici exercice du sourire bête à l'écorce de citron vert), Mall ultra-luxueux, et rencontre nocturne avec Kenny, un Hongkongais fumeur d'herbe, collectionneur d'archives et de souvenirs communistes.
Chaque jour, dans l'entrée de l'immeuble, d'adorables petites vieilles dames nous saluent et nous sourient de toutes leurs dents restantes. Visages de petites pommes ridées, comme le dit l'expression consacrée, mais là j'ai pas mieux. Elles passent la journée assises sur de petites chaises d'enfants empaillées, au ras du sol. Elles habitent dans la cave. Par les volets des sous-pentes ouverts, on aperçoit leur unique pièce à vivre, lit, réchaud, fatras d'une vie. Comme toutes les personnes âgées, elles ont connu la révolution culturelle. Peut-être vivaient-elles avant dans les beaux appartements de l'immeuble ? A l'époque, il devait sans doute être habité par des cadres, des dirigeants. Dans la chambre du bel appartement de Fabrice, la cloison au fond du placard s'ouvre sur un cagibi de 3-4 mètres carrés, qui ne se ferme que de l'intérieur...
Vendredi 24 juillet, septième jour, départ pour Beijing. Fabrice nous a à nouveau réservé une voiture pour nous emmener à la gare à 07.00h. La gare, point essentiel de la vie chinoise. Lieu grouillant de vie, 24/24 non stop, tout le monde s'y croise. Familles, hommes d'affaires, grands-parents convoyant les enfants, militaires. Là encore, contrôles permanents, les bagages sont scannés comme à l'aéroport, je me refais contrôler à chacune de mes sorties cigarettes. Il n'y a qu'un guichet pour les étrangers, nous avons fait une réservation, et nos billets nous sont remis contre présentation du passeport.
Tout est très propre et très moderne, à commencer par le train lui-même. Il ressemble beaucoup à notre TGV (j'en vois sourire au fond), on y est même mieux installé, y compris en seconde classe. Surtout, il avale les 1 800 kilomètres en 6 heures piles, sans une minute de retard malgré 5 ou 6 arrêts. Tous les sièges pivotent à 180° pour se mettre dans le sens de la marche.
Un jeune occidental arrive au moment où une hôtesse me demande de faire pivoter le mien et le sien, il ne sait pas comment s'y prendre, je pige le truc et m'exécute. Il s'assoit à côté de moi, on se salue en anglais, mais nos accents nous trahissent; Français ? C'est une jolie coïncidence, car tous les autres passagers sans exception sont chinois. Il ouvre un bouquin, il a une bonne tête, mais j'attends un peu avant d'engager la conversation. J'ouvre mon carnet de notes. Et surtout j'observe.
Un jeune occidental arrive au moment où une hôtesse me demande de faire pivoter le mien et le sien, il ne sait pas comment s'y prendre, je pige le truc et m'exécute. Il s'assoit à côté de moi, on se salue en anglais, mais nos accents nous trahissent; Français ? C'est une jolie coïncidence, car tous les autres passagers sans exception sont chinois. Il ouvre un bouquin, il a une bonne tête, mais j'attends un peu avant d'engager la conversation. J'ouvre mon carnet de notes. Et surtout j'observe.
Rushes flous, non coupés. Joli moment de chinois par l'hôtesse à partir de 1'10, le reste je vous laisse voir et entendre...
C'est notre première occasion de voir les tentacules de Shanghaï se tendre vers la campagne, et donc de découvrir cette campagne. D'abord une succession de faubourgs, suite de groupes d'immeubles de 50 étages serrés les uns contre les autres, puis apparition de quartiers pavillonnaires. On passe sur plusieurs canaux et rivières aux eaux marronnasse, des successions de ponts et de noeuds autoroutiers. Enfin la ville s'estompe et laisse place aux premières bandes de terre et de cultures. Notre route file du Sud au Nord, à quelques encablures de la côte sur notre Est.
C'est en fait une immense plaine que nous traversons, le seul relief que nous verrons est une succession de petites collines. De petites villes nouvelles alternent avec les paysages de campagne cultivée. Ces villes-champignon, paysages parsemés de milliers de grues, comptent toutes plusieurs centaine de milliers d'habitants. Petites, je vous dis. Et chaque parcelle de campagne observée semble cultivée : maïs, choux, légumes verts divers, arbres fruitiers, le tout irrigué par des canaux rectilignes, sombres et boueux.
Dans chaque champ, je distingue une ou deux silhouettes humaines, courbées, souvent chapeautées du traditionnel chapeau pointu.
A aucun moment le fog ne disparaît vraiment. Au retour j'ai vu des paysans traiter les champs, chimie sur pollution...
Mon compagnon de voyage s'appelle Alexandre. Il est professeur de français à Tsing Tao, la ville de la bière, depuis deux ans. Me voyant manipuler les sièges au départ de Shanghaï, il m'a pris pour un expatrié. Notre conversation alimentera la suite de notre séjour, et mes réflexions après le retour. Il m'apporte une vision politique et sociologique qui me manquait. Ce qu'il m'explique, c'est que là où il a fallu trois générations en France pour passer de la charrette à boeuf à la télévision couleur, une majorité de chinois passe de la paysannerie à l'automobile au cours de leur vie, et ça ça change tout. Une de ses collègues ayant connu la famine dans son enfance va acquérir cette année sa première voiture, et rien ne lui fera abandonner ce rêve en passe de se réaliser. Ceux qui ont déjà la voiture trime pour s'en payer une plus grosse l'année prochaine, dans une course à la consommation où il faut en jeter plein la vue à la famille et aux voisins. Fabrice déjà m'avait parlé du discours de Deng Xiaoping en 1992 à Shenzen, qui lança véritablement la Chine dans le capitalisme mondial.
Alexandre m'explique que parallèlement à ses profondes réformes économiques, le Comité Central avait édicté la loi de 70/30, qui autorise les chinois à critiquer Mao pour 30% de ses actions, principalement les crimes de la révolution culturelle. Les 70% de réalisations bénéfiques, sont le maintien et l'accroissement de l'unité du pays, la place de la Chine dans le monde, l'aménagement du territoire et la modernisation des infrastructures. Il m'explique aussi l'omniprésence discrète du Parti Communiste Chinois à chaque échelon de la société, dans les immeubles, les quartiers, les entreprises, les institutions. Chaque structure publique ou privée possède sa propre hiérarchie, mais elle est doublée en parallèle par une hiérarchie du PCC. Dans la faculté où il travaille, il y a une réunion politique mensuelle, à laquelle tous les professeurs chinois sont tenus d'assister sous peine de voir leur salaire diminué de moitié. Il y est allé une fois, pour voir et savoir. Les officiels du Parti lui ont fait dire qu'il n'était pas obligé de rester, pour ne pas lui dire de partir, mais il est resté. Il m'a raconté que les officiels enchaînent les propos lénifiants face à une audience qui corrige ses copies, discute peu discrètement ou joue sur son portable. Je lui fais remarquer que c'est un peu comme la messe d'autrefois, où il fallait se montrer même si on s'en caguait joyeusement.
Il me conseille de regarder le journal télévisé de 19 heures, regardé par 800 millions de téléspectateurs, selon lui toujours organisé en trois tiers : d'abord 1/ Que la Chine est grande et forte (dernières réalisations du régime, genre les grandes infrastructures, ou en ce moment la conquête spatiale, les exploits des sportifs, la réception de dirigeants étrangers ou les visites du Président à l'étranger); puis 2/ Que le Monde va mal, surtout l'Occident et les honnis américains, crise économique, chômage, délinquance, terrorisme, moeurs dissolues; et 3/ Que le Parti dirige toujours d'une main de maître chaque secteur de la société, que rien ne lui échappe, qu'il est omniprésent et omniscient. Alexandre m'éclaire aussi sur la place des enfants. Depuis notre arrivée je suis touché par les signes d'affection que les parents manifestent à leurs enfants. Dans les transports, les mères et encore plus les pères passent leur temps les yeux rivés sur leur progéniture, cherchant à les amuser ou les distraire en permanence, et s'amusant bruyamment de leurs mimiques, sourires, étonnements. La politique de l'enfant unique, doucement et progressivement amendée actuellement pour autoriser deux enfants, a créé plus fort que l'enfant roi : l'enfant empereur. Tout leur semble permis, et ils ont sur leur berceau les quatre grands-parents qui se dévouent intégralement à eux. Cette politique a brutalement rompu avec l'époque ou les familles avaient couramment huit ou neuf enfants, on comprend alors le poids qui pèse sur chaque petite tête. Après les premières années impériales, l'enfant de quatre ans fait déjà de la musique, du sport, de l'informatique, il n'a pas de temps libre, et toute la famille compte bien le voir accéder aux strates supérieures.
Sous ce matérialisme roi, Alexandre rappelle toutefois la persistance profonde du Taoïsme, la recherche constante de l'équilibre en toute chose entre Ying et Yang, que Fabrice a tatoué sur ses avants-bras. Pour les Chinois, le monde fonctionne par cycles de 12 ans, contenus dans des cycles de 60 ans. Cinq cycles de 12 ans et tout repart à zéro, continuellement, là où l'Occident a déterminé une année zéro à partir de laquelle le temps se déroule inexorablement, comme une droite infinie.
Nous arrivons à Pékin, il faut faire la queue pour choper un taxi, on nous avait prévenu : c'est LA queue ! Peut-être 200 ou 300 mètres, soit autant de personnes. Mais comme à chaque fois, nous sommes impressionnés par la rapidité d'absorption, le ballet est rôdé: les taxis arrivent en continue, se garent sur trois files, des agents équipés de sifflets coordonnent l'entrée des voyageurs qui s'engouffrent dans les voitures. Et c'est le grand saut dans Pékin la sauvage, entourée de ses sept boulevards périphériques.
C'est en fait une immense plaine que nous traversons, le seul relief que nous verrons est une succession de petites collines. De petites villes nouvelles alternent avec les paysages de campagne cultivée. Ces villes-champignon, paysages parsemés de milliers de grues, comptent toutes plusieurs centaine de milliers d'habitants. Petites, je vous dis. Et chaque parcelle de campagne observée semble cultivée : maïs, choux, légumes verts divers, arbres fruitiers, le tout irrigué par des canaux rectilignes, sombres et boueux.
Dans chaque champ, je distingue une ou deux silhouettes humaines, courbées, souvent chapeautées du traditionnel chapeau pointu.
A aucun moment le fog ne disparaît vraiment. Au retour j'ai vu des paysans traiter les champs, chimie sur pollution...
Mon compagnon de voyage s'appelle Alexandre. Il est professeur de français à Tsing Tao, la ville de la bière, depuis deux ans. Me voyant manipuler les sièges au départ de Shanghaï, il m'a pris pour un expatrié. Notre conversation alimentera la suite de notre séjour, et mes réflexions après le retour. Il m'apporte une vision politique et sociologique qui me manquait. Ce qu'il m'explique, c'est que là où il a fallu trois générations en France pour passer de la charrette à boeuf à la télévision couleur, une majorité de chinois passe de la paysannerie à l'automobile au cours de leur vie, et ça ça change tout. Une de ses collègues ayant connu la famine dans son enfance va acquérir cette année sa première voiture, et rien ne lui fera abandonner ce rêve en passe de se réaliser. Ceux qui ont déjà la voiture trime pour s'en payer une plus grosse l'année prochaine, dans une course à la consommation où il faut en jeter plein la vue à la famille et aux voisins. Fabrice déjà m'avait parlé du discours de Deng Xiaoping en 1992 à Shenzen, qui lança véritablement la Chine dans le capitalisme mondial.
Alexandre m'explique que parallèlement à ses profondes réformes économiques, le Comité Central avait édicté la loi de 70/30, qui autorise les chinois à critiquer Mao pour 30% de ses actions, principalement les crimes de la révolution culturelle. Les 70% de réalisations bénéfiques, sont le maintien et l'accroissement de l'unité du pays, la place de la Chine dans le monde, l'aménagement du territoire et la modernisation des infrastructures. Il m'explique aussi l'omniprésence discrète du Parti Communiste Chinois à chaque échelon de la société, dans les immeubles, les quartiers, les entreprises, les institutions. Chaque structure publique ou privée possède sa propre hiérarchie, mais elle est doublée en parallèle par une hiérarchie du PCC. Dans la faculté où il travaille, il y a une réunion politique mensuelle, à laquelle tous les professeurs chinois sont tenus d'assister sous peine de voir leur salaire diminué de moitié. Il y est allé une fois, pour voir et savoir. Les officiels du Parti lui ont fait dire qu'il n'était pas obligé de rester, pour ne pas lui dire de partir, mais il est resté. Il m'a raconté que les officiels enchaînent les propos lénifiants face à une audience qui corrige ses copies, discute peu discrètement ou joue sur son portable. Je lui fais remarquer que c'est un peu comme la messe d'autrefois, où il fallait se montrer même si on s'en caguait joyeusement.
Il me conseille de regarder le journal télévisé de 19 heures, regardé par 800 millions de téléspectateurs, selon lui toujours organisé en trois tiers : d'abord 1/ Que la Chine est grande et forte (dernières réalisations du régime, genre les grandes infrastructures, ou en ce moment la conquête spatiale, les exploits des sportifs, la réception de dirigeants étrangers ou les visites du Président à l'étranger); puis 2/ Que le Monde va mal, surtout l'Occident et les honnis américains, crise économique, chômage, délinquance, terrorisme, moeurs dissolues; et 3/ Que le Parti dirige toujours d'une main de maître chaque secteur de la société, que rien ne lui échappe, qu'il est omniprésent et omniscient. Alexandre m'éclaire aussi sur la place des enfants. Depuis notre arrivée je suis touché par les signes d'affection que les parents manifestent à leurs enfants. Dans les transports, les mères et encore plus les pères passent leur temps les yeux rivés sur leur progéniture, cherchant à les amuser ou les distraire en permanence, et s'amusant bruyamment de leurs mimiques, sourires, étonnements. La politique de l'enfant unique, doucement et progressivement amendée actuellement pour autoriser deux enfants, a créé plus fort que l'enfant roi : l'enfant empereur. Tout leur semble permis, et ils ont sur leur berceau les quatre grands-parents qui se dévouent intégralement à eux. Cette politique a brutalement rompu avec l'époque ou les familles avaient couramment huit ou neuf enfants, on comprend alors le poids qui pèse sur chaque petite tête. Après les premières années impériales, l'enfant de quatre ans fait déjà de la musique, du sport, de l'informatique, il n'a pas de temps libre, et toute la famille compte bien le voir accéder aux strates supérieures.
Sous ce matérialisme roi, Alexandre rappelle toutefois la persistance profonde du Taoïsme, la recherche constante de l'équilibre en toute chose entre Ying et Yang, que Fabrice a tatoué sur ses avants-bras. Pour les Chinois, le monde fonctionne par cycles de 12 ans, contenus dans des cycles de 60 ans. Cinq cycles de 12 ans et tout repart à zéro, continuellement, là où l'Occident a déterminé une année zéro à partir de laquelle le temps se déroule inexorablement, comme une droite infinie.
Nous arrivons à Pékin, il faut faire la queue pour choper un taxi, on nous avait prévenu : c'est LA queue ! Peut-être 200 ou 300 mètres, soit autant de personnes. Mais comme à chaque fois, nous sommes impressionnés par la rapidité d'absorption, le ballet est rôdé: les taxis arrivent en continue, se garent sur trois files, des agents équipés de sifflets coordonnent l'entrée des voyageurs qui s'engouffrent dans les voitures. Et c'est le grand saut dans Pékin la sauvage, entourée de ses sept boulevards périphériques.
Nous sommes vendredi 24 juillet, vers 19 heures. Le taxi nous lâche près de l'hôtel, il nous dit de descendre en plein trafic, bus, vélos, scooters, par la portière de gauche donc en plein dedans. Je ne vois que des ruelles terreuses, j'ai du mal à croire que l'hôtel soit là, et pourtant si... Charlotte nous avait bien dit, petit hôtel pas cher, bien situé à côté du Lama Temple et du mausolée de Confucius, pas trop loin de la Cité Interdite.
L'hôtel est une construction genre bidonville-favella, briques, lino, planches de bois, fils électriques anarchiques. C'est plutôt une cabane en dur, et nous avons la chambre au fond, sans fenêtre. Un peu sale, la clim' est pleine de poussières noires, la douche dans les toilettes, juste un rideau, le lino... Maceo se jette sur le lit, harassé du voyage, et moi je vais inonder la salle de bain jusqu'au couloir. Comme à mon habitude je veux ressortir pour faire le tour du pâté de maisons, prendre mes repères, Maceo garde la chambre. Je me sens vraiment perdu comme rarement, je pars en observant bien les alentours, en repérant notre petite ruelle, dont je m'éloigne timidement. J'ai faim, je passe devant une succession de boutiques de bouffe, j'en choisi une bien remplie d'autochtones. Un groupe bruyant rigole et semble collectionner les bouteilles de Xintao devant eux, je choisis un truc en fonction de la photo, cela s'avère être du foie de canard avec du soja, pas mauvais, pas bon non plus. Je rentre à l'hôtel, fiston va bien, il a faim. On ressort, mêmes rues, rien ne l'inspire. On pousse un peu plus loin, un carrefour, une avenue, une station de métro, puis on rebrousse chemin, il a repéré un KFC. A regret je l'y emmène, il veut prendre à emporter et manger à l'hôtel. Nous repartons avec notre pot de poulet (?), et nous revoilà dans cette chambre miteuse, à manger sale et gras. Je regarde le JT aux 800 millions de téléspectateurs, et je retrouve les 3 tiers d'Alexandre. Ensuite nous regardons un téléfilm, qui classiquement raconte la résistance contre les envahisseurs japonais, grande page de leur histoire, toujours aussi mobilisatrice. C'est un téléfilm comme on sait les faire chez nous aussi, avec effets spéciaux bien pourris, grenades au plâtre et sang dégoulinant à la tomate, giclées sur la neige.
Plan de Pékin, l'hôtel entouré, au centre à côté des pièces d'eau, dans le carré, la Cité Interdite. En jaune les périphériques.
C'est le début d'une longue nuit, l'une des plus éprouvante de ma vie, sisi. Je ne trouve pas le sommeil, je psychote, j'ai peur de je ne sais quoi, un incendie, une inondation, un tremblement de terre, un avion qui s'écrase. Une peur de fin du monde. Maceo dort. Je me lève et me recouche, l'angoisse monte, m'asphyxie. Sans être adepte du Feng Chui, un truc ne passe pas dans cette chambre, et d'abord l'absence de fenêtre, je me sens claustro pire que dans un sous-marin. Je n'arrive pas à rester allongé plus d'une minute, il faut que je me relève, je fais très attention à ne pas réveiller Maceo, ne pas lui montrer ma panique, j'ai le tournis, je sors fumer une clope, je reviens mais rien ne change. Finalement je tombe et dors un peu, l'aube arrive, je suis vivant !
L'avantage de l'hôtel est qu'il propose des excursions vers la Grande Muraille, the Great Wall. Il y a plusieurs circuits, à deux ou trois heures de Pékin. Charlotte nous a conseillé de prendre le plus loin, moins fréquenté. Départ à 7 heures, un mini-bus nous attend au bout de la ruelle, il fait le tour des hôtels et embarque une douzaine de visiteurs. Anglais, Allemand, Argentin, Mexicains et Chinois. Nous roulons deux bonnes heures, et nous l'apercevons. Dans le bus une guide Chinoise est montée, elle passe de bus en bus pour faire son speech en chinois et en anglais, elle est jolie, un des très rares jolis visages de notre séjour.
L'avantage de l'hôtel est qu'il propose des excursions vers la Grande Muraille, the Great Wall. Il y a plusieurs circuits, à deux ou trois heures de Pékin. Charlotte nous a conseillé de prendre le plus loin, moins fréquenté. Départ à 7 heures, un mini-bus nous attend au bout de la ruelle, il fait le tour des hôtels et embarque une douzaine de visiteurs. Anglais, Allemand, Argentin, Mexicains et Chinois. Nous roulons deux bonnes heures, et nous l'apercevons. Dans le bus une guide Chinoise est montée, elle passe de bus en bus pour faire son speech en chinois et en anglais, elle est jolie, un des très rares jolis visages de notre séjour.
Cet endroit s'appelle Mutianyu. Il n'est pas situé sur l'autoroute de la Grande Muraille, il y a du monde, certes, des occidentaux et surtout des chinois, mais on n'est pas à touche-touche. Le bus se gare sur un parking, je redoute une ascension pédestre, mais ô bonheur il y a un téléphérique ! Cette portion du mur fait partie des plus récentes, achevée au XVème siècle si j'ai bien compris. La guide nous enjoint de bien retenir son prénom, qu'elle nous répète trois fois, et que j'ai trop vite oublié. Mutine et coquine, dans sa robe rose satinée, elle blague :
"Retenez-bien mon nom, car si vous me croisez à nouveau je ne vous reconnaîtrais pas, pour nous vous vous ressemblez tous !"
"Retenez-bien mon nom, car si vous me croisez à nouveau je ne vous reconnaîtrais pas, pour nous vous vous ressemblez tous !"
C'est écrit sur le ticket, de grands personnages ont emprunté ce câble, au nombre desquels on compte Bill Clinton et John Major. Nous partageons la cabine avec trois françaises, nous nous taisons et les écoutons comme des étrangers qui ne comprennent rien, je filme flou, filou... Elles flippent un peu des grincements et des claquements du câble; moi je ne crains plus rien, après avoir survécu cette nuit.
Arrivés en haut, nous sommes accueillis par une pierre gravée au nom de l'industriel partenaire allemand, sans qui ce téléphérique n'existerait pas, merci mon gars. Sur une autre pierre que je n'ai pas photographiée, on remercie d'autres mécènes, au premier rang desquels figurent André et Liliane Bettencourt, et tout le staff TF1 / Bouygues grande époque, compris Yves Mourousi, sisi.
Nous avons deux heures pour parcourir les six kilomètres entre la tour 14 et la tour 10, mais je préviens tout de suite Maceo qu'il est hors de question de marcher plus de 10 minutes. Il acquiesce et opine, enjoué. Nous commençons sur le chemin, ou plutôt l'escalier, fait de pierres de hauteurs inégales. On grimpe dans une tour, clichés par les meurtrières, cliché. Il est interdit de fumer, un hélicoptère tourne au-dessus puis en-dessous de nous, balançant quelques sacs d'eau sur la végétation desséchée. Dans une tour je découvre une bouteille de plastique déposée là.
Ca monte et ça descend, sur les parties planes les pierres sont parfaitement jointes. A un moment nous sommes presque seuls, Maceo a emporté son skate-cruiser avec lui, en douce il le pose et glisse quelques mètres. C'est fait : il a skatté la Grande Muraille ! Tout cela est assez majestueux, on imagine avec peine les efforts des travailleurs pour amener tous les matériaux sur cette crête. Et d'ailleurs, à quoi servait-elle vraiment, y aurait-il pu avoir des envahisseurs assez fous pour vouloir entrer en Chine par ces montagnes, avec ces pentes à 70°, arnachés d'armes et de cuirasses ?
Reste le spectacle grandiose qui affole l'appareil et appelle la photo pour qui en raffole.
Reste le spectacle grandiose qui affole l'appareil et appelle la photo pour qui en raffole.
Nous redescendons bien en avance par rapport à l'heure du rendez-vous au bus, sur le parking d'un restaurant. J'avais pourtant bien demandé à l'hôtel si le repas était prévu, elles m'avaient dit non, qu'il fallait apporter son sandwich. Je m'étais levé à 6h15, trop heureux d'être en vie, pour aller acheter à manger avant 7 heures. Je n'avais trouvé que des immondes trucs bizarres, petites brioches au fromage fourrées d'une crème sucrée, d'autres au thon avec cette même crème pourrie, nous nous en étions calé l'estomac, à la guerre comme à la guerre. En fait le repas était bien inclus, une mé-compréhension parmi mille autres, Lost in Translation vous dis-je. L'adorable guide nous attend et nous mène vers une large table ronde tournante, sur laquelle s'accumule divers plats, riz, viandes et poisson plein d'arêtes. Nous sommes rejoint par une Mexicaine, deux Italiennes (toutes moches) et un Turc vivant aux US, jovial. Je lui propose de ma bière (bouteille), il en reprend une et m'en offre, puis nous concluons par une troisième dont nous partageons la note. Turkish Man in New York, il achève son séjour (business) et repart le lendemain. Sur la route du retour vers Pékin, je photographie et je filme par l'arrière du mini-bus, les hommes qui balayent la route, les marchands de fruits et légumes, les scooters surchargés de tout et de rien, une campagne bétonnée presque bucolique avec le fog qui se lève un peu, laissant apercevoir le ciel presque bleu.
Retour à l'hôtel, je suis bien décidé à changer de chambre, hors de question de re-vivre cet enfer. Nous retombons dans les affres de l'a-communication, j'en chie des chapeaux ronds à me faire comprendre, là-dessus elle m'explique que c'est plus cher, on s'écrit les chiffres sur un bout de papier, je lui dis que je m'en fous, je suis prêt à payer, elle me demande une somme qui ne correspond pas à la différence, je lui écris la soustraction, même ça aussi on ne le fait pas comme eux... Ils m'épuisent, je lui lâche un billet en disant c'est bon, amenez-moi un whisky, je lui montre la photo, Jack Daniels, sur leur dépliant, elle me remonte une Vodka... Elle m'épuise... Cette fois la chambre est au premier, chaleur accablante sous les tôles, linge qui sèche. La chambre est un peu plus jolie, la salle de bain moins caravane, et il y a une fenêtre, je dormirai bien, enfin, je dormirai. Une douche et on ressort dîner. Tiens une souris, sisi.
On repasse par les mêmes rues, mais cette fois on enquille la grande avenue entièrement dédiée à la bouffe. Grands restaurants, néons criards, alpagueurs sur les trottoirs, partout du monde, il fait toujours 40° même soleil couché. Les Chinois sortent en grappes, familles ou amis, les sonos pulsent à fond des musiques synthétiques, pour la première fois de ma vie je me fais montrer du doigt. Enfin c'est plutôt Maceo qui attire les regards, cheveux blonds et yeux bleus, là encore on nous avait prévenu mais ça fait bizarre d'être montré du doigt. Des gens se retournent. Une grosse laideron hilare nous pointe et nous moque, je lui souris et lui fait coucou de la main, elle pique un fard, gênée...
On se fait alpaguer, tous les restaurants se ressemblent alors comment choisir ? Je fais mine d'entrer, on nous repousse et nous fait signe de nous asseoir sur des chaises prévues à cet effet sur le trottoir, effectivement des dizaines de personnes sont assises, on nous donne une carte, il faut choisir et passer commande sur le trottoir. Dans celui-ci tout est "Spicy", on lève le camp, trop dangereux pour nos petits culs de blancs, laissant la carte sur la chaise. Un peu plus loin, un restaurant a l'air plus calme, la déco paraît zen, vert et blanc plutôt que jaune et rouge, un peu de clients mais pas trop, les alpagueurs sont souriants, calmes, on les suit. Et là...
Maceo choisit le premier plat en photo, un bouillon avec boulettes de viande et riz. Pas bête. Moi je regarde la table à côté, un homme et deux femmes, au milieu trône une pastèque fumante, dans laquelle il pioche avec des baguettes. Ca à l'air bon. Je demande la même chose, et nuançant mon propos par des gestes, j'essaie de dire "comme eux mais moins parce que je suis tout seul". La serveuse ne comprend pas. Elle est très souriante, mais très démunie. Elle essaye un peu d'anglais, c'est moi qui ne comprend pas. Alors elle a un éclair, elle part et revient avec un Smartphone, elle me le tend : "We are here to eat more melon". Aïe. Je lui montre ce que je veux sur la carte, elle me tend l'appareil : "What do you want?". Re-aïe. Je lui remontre, mais quelque chose cloche. Peut-être que ce n'est pas possible pour une seule personne ? Je m'entête, je veux ça. Maceo a presque fini quand je suis servi, la pastèque fumante, le serveur arrive et verse un liquide bouillant, fumée blanche...
La pastèque est agrémentée de petits plats, viandes, condiments, et d'autres trucs indéfinissables. Je mets des trucs dedans, j'en croque d'autres. Maceo repère la table de trois qui m'observent, et se marrent. Mieux, ils me filment avec leur téléphone, regardent la vidéo et se marrent de plus belle. J'ai dû faire un truc chelou ? En fait je mange des pâtes crues, sans les avoir fait cuire dans le bouillon, apparemment c'est pour ça, ils ne s'en remettent pas. Ca nous fait bien marrer aussi, perdre la face à 10 000 kilomètres, what else ? Maceo me dit : "ça se trouve ils ont déjà balancé sur un site chinois, et tu vas devenir une star du genre le blanc grand couillon qui fait toutes les conneries à ne pas faire en Chine."
On se fait alpaguer, tous les restaurants se ressemblent alors comment choisir ? Je fais mine d'entrer, on nous repousse et nous fait signe de nous asseoir sur des chaises prévues à cet effet sur le trottoir, effectivement des dizaines de personnes sont assises, on nous donne une carte, il faut choisir et passer commande sur le trottoir. Dans celui-ci tout est "Spicy", on lève le camp, trop dangereux pour nos petits culs de blancs, laissant la carte sur la chaise. Un peu plus loin, un restaurant a l'air plus calme, la déco paraît zen, vert et blanc plutôt que jaune et rouge, un peu de clients mais pas trop, les alpagueurs sont souriants, calmes, on les suit. Et là...
Maceo choisit le premier plat en photo, un bouillon avec boulettes de viande et riz. Pas bête. Moi je regarde la table à côté, un homme et deux femmes, au milieu trône une pastèque fumante, dans laquelle il pioche avec des baguettes. Ca à l'air bon. Je demande la même chose, et nuançant mon propos par des gestes, j'essaie de dire "comme eux mais moins parce que je suis tout seul". La serveuse ne comprend pas. Elle est très souriante, mais très démunie. Elle essaye un peu d'anglais, c'est moi qui ne comprend pas. Alors elle a un éclair, elle part et revient avec un Smartphone, elle me le tend : "We are here to eat more melon". Aïe. Je lui montre ce que je veux sur la carte, elle me tend l'appareil : "What do you want?". Re-aïe. Je lui remontre, mais quelque chose cloche. Peut-être que ce n'est pas possible pour une seule personne ? Je m'entête, je veux ça. Maceo a presque fini quand je suis servi, la pastèque fumante, le serveur arrive et verse un liquide bouillant, fumée blanche...
La pastèque est agrémentée de petits plats, viandes, condiments, et d'autres trucs indéfinissables. Je mets des trucs dedans, j'en croque d'autres. Maceo repère la table de trois qui m'observent, et se marrent. Mieux, ils me filment avec leur téléphone, regardent la vidéo et se marrent de plus belle. J'ai dû faire un truc chelou ? En fait je mange des pâtes crues, sans les avoir fait cuire dans le bouillon, apparemment c'est pour ça, ils ne s'en remettent pas. Ca nous fait bien marrer aussi, perdre la face à 10 000 kilomètres, what else ? Maceo me dit : "ça se trouve ils ont déjà balancé sur un site chinois, et tu vas devenir une star du genre le blanc grand couillon qui fait toutes les conneries à ne pas faire en Chine."
On rentre à l'hôtel, on rit mais c'est les nerfs. On regarde la télé et tout nous fait rire, on tombe sur un documentaire sur les handicapés en Chine, ils ont l'air de les prendre au sérieux, il y a une jeune fille trisomique qui vit chez sa mère, une parfaite fiancée, on rit mais c'est pas drôle. Demain dimanche, nous repartons enfin, ce qu'elles ont été longues ces 24 heures ! On se lève tôt, on plie nos bagages légers, j'ai repéré les lignes de métro pour aller vers le gros morceau : TienAnMen et la Cité Interdite. De là on filera direct à la gare, tout schuss vers Shanghaï dont nous comprenons et apprécions mieux la modernité, maintenant.
De retour à Nevers, dimanche 2 août, je tombe comme par le fait du hasard sur Arte, un Thema consacré à la Chine. Ils interviewaient un jeune étudiant chinois à vélo, près de la Place, et lui montrait une photo des 19 étudiants morts en 1989. Ca ne lui disait rien du tout, puis il se reprenait : "Ah oui, mais c'est très vieux, je n'étais pas né. Des gens se sont soulevés pour renverser le régime, et l'armée a parfaitement répondu à la menace je crois. C'était des criminels qui s'en prenaient à l'Etat, et ils ont été justement punis."
Tocqueville a dit : "Dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau". Et dans les dictatures alors ? L'effacement de la mémoire est un art...
A la sortie du métro, nous sommes dirigés vers un passage souterrain, qui amène de la place TAM à la Cité Interdite. Là nous sommes bloqués à un point de contrôle, au milieu de milliers de touristes Chinois. La chaleur nous accable, nous sommes à touche-touche cette fois-ci, absolument coincés, pas de repli, pas d'autre issue que l'attente. Même eux s'énervent, il y a un contrôle de police, un type est prêt à en venir aux mains, il va jusqu'à empoigner un policier, je me dis qu'il est cuit, mais non, il ne se passe rien, en tout cas pas sur le coup. Le bouchon s'évacue en moins d'une demi-heure, mais elle nous a enlevé nos dernières forces péniblement rassemblées dans la nuit. Echange de regards avec fiston, il n'ira pas plus loin, je peux mettre une croix sur la Cité Interdite. On débouche du tunnel, à droite une ouverture, une porte sans queue devant, la foule se dirige vers une plus grande porte où l'attente l'attend.
Nous c'est un havre de paix qui nous attend, une fraîcheur bienvenue à l'ombre du jardin de l'empereur, au calme, et ça nous va bien. Maceo skatte discrètement, l'empereur devait faire pareil, en tout cas les pavés sont faits pour.
On souffle, Beijing nous aura vraiment éprouvés...
La semaine suivant notre retour, un couple franco-chinois est attaqué par un fou au sabre, dans un quartier touristique de Pékin. La femme chinoise est tuée, son mari français blessé. L'attaquant aurait d'abord demandé à la femme si elle était marié à cet "américain" (nous sommes tous américains à leurs yeux, et c'est péjoratif. Ils adorent Poutine). Sauvage vous dis-je.
On souffle, Beijing nous aura vraiment éprouvés...
La semaine suivant notre retour, un couple franco-chinois est attaqué par un fou au sabre, dans un quartier touristique de Pékin. La femme chinoise est tuée, son mari français blessé. L'attaquant aurait d'abord demandé à la femme si elle était marié à cet "américain" (nous sommes tous américains à leurs yeux, et c'est péjoratif. Ils adorent Poutine). Sauvage vous dis-je.
En ressortant de cet immense bâtiment vraiment époustouflant, soutenus par des piliers de bois, véritables troncs entiers, une famille chinoise m'aborde. L'homme me tend son téléphone pour que je les prenne en photo devant une énorme jarre en bronze. Je m'écarte pour cadrer, mais il m'arrête et me prend par le coude, il me fait comprendre qu'il veut me prendre en photo avec sa famille, devant la jarre, et il me montre par le geste qu'il faut que je pose ma main sur elle. Je m'exécute, le bronze est brûlant, il prend la photo et me remercie, hilare, comme toute sa famille. Je n'ai toujours pas compris son délire : le simple fait de les photographier en compagnie d'un américain ? En y repensant, j'étais le seul à avoir la main posée dessus... Qu'est-ce que cela peut bien signifier ? Sans doute un autre foutage de gueule.
On file à la gare en taxi, on arrive à 13 heures pour un train à 17 heures. Je sais que c'est fou, mais je me lance un défi, je rassemble mes forces et mes nerfs et m'avance vers le guichet pour essayer de changer nos billets. Douze interlocutrices plus tard, l'une baragouinant mieux l'anglais que les autres parvient à me comprendre, et me trouve un train 1 heure plus tôt. Une heure de gagnée, c'est toujours bon à prendre, et ce sera mieux d'arriver à Shanghaï à 22h plutôt que 23h. Restent trois heures à tuer. On se dirige vers une librairie : tous les ouvrages et magazines sont exclusivement en chinois. J'aperçois une couverture de Marc Lévy, il y a des biographies des grands hommes chinois, mais aussi de Lénine et de Poutine. Ils en raffolent, surtout elles. Je me résous à patienter, on cherche à s'assoir, je sors l'appareil pour une série de photos sociologiques / ethnographiques.
On file à la gare en taxi, on arrive à 13 heures pour un train à 17 heures. Je sais que c'est fou, mais je me lance un défi, je rassemble mes forces et mes nerfs et m'avance vers le guichet pour essayer de changer nos billets. Douze interlocutrices plus tard, l'une baragouinant mieux l'anglais que les autres parvient à me comprendre, et me trouve un train 1 heure plus tôt. Une heure de gagnée, c'est toujours bon à prendre, et ce sera mieux d'arriver à Shanghaï à 22h plutôt que 23h. Restent trois heures à tuer. On se dirige vers une librairie : tous les ouvrages et magazines sont exclusivement en chinois. J'aperçois une couverture de Marc Lévy, il y a des biographies des grands hommes chinois, mais aussi de Lénine et de Poutine. Ils en raffolent, surtout elles. Je me résous à patienter, on cherche à s'assoir, je sors l'appareil pour une série de photos sociologiques / ethnographiques.
Humains.
Quel soulagement ce retour à Shanghaï ! On s'en est tiré, on respire, on est tellement heureux de la retrouver cette bonne vieille ville, civilisée, humaine (sisi), tellement plus chaleureuse, avec nos amis qui nous y attendent, sûrement impatients d'entendre notre récit. Mais que va-t-on leur dire ? Je préviens Maceo qu'on risque de passer pour des baltringots avec nos flips à deux balles, on n'a même pas vu la Cité Interdite, ni le Temple de Confucius pourtant juste à côté de l'hôtel. V'là les globe-trotters !
Nous filons plein Sud à 300. Le soleil couchant se voile du fog, me donnant la photo de couverture de ce site, et me plongeant dans des réflexions fantasmatiques floues, mi-figue mi-flip. Vont-ils réussir à maintenir l'équilibre entre appétit matériel et appétit spirituel ? Le veulent-ils seulement ?
Nous filons plein Sud à 300. Le soleil couchant se voile du fog, me donnant la photo de couverture de ce site, et me plongeant dans des réflexions fantasmatiques floues, mi-figue mi-flip. Vont-ils réussir à maintenir l'équilibre entre appétit matériel et appétit spirituel ? Le veulent-ils seulement ?
Soleils gris.
Ce voyage retour de six heures est comme un sas de décompression, là on est vraiment détendus. Je repense à la queue place Tien AnMen, aux foules débraillées rigolardes qui nous montraient du doigt, à la femme de l'hôtel qui ne savait dire que "OOOooooo..." comme ça decrescendo, faiblissant, en penchant légèrement le buste, mains jointes, pour exprimer sa désolation de ne pouvoir me comprendre. Aux bruits de bouffe, de mastication, de succion, aux rots, aux pets et aux crachats, aux incessants bruits de toutes sortes, à l'air encore plus pollué à Pékin qu'à Shanghaï. Et à ce que m'a dit Alexandre :
"Tu sais à quoi ça ressemble une plage en Chine ? Imagines une foule dans l'eau jusqu'aux genoux, la plupart avec une bouée autour de la taille (peu savent nager), tous habillés en combinaison short - tee shirts (ils craignent le soleil, être bronzé signifie qu'on est paysan), certains le visage couvert d'un voile, et sur la plage une autre foule, habillée pareille, mais réfugiée dans des tentes Quechua à perte de vue et à touche-touche sur le sable".
Et on rigole, encore, tout ça nous a rapprochés un peu plus, si nécessaire. On a expérimenté la technique anti-stress de Fabrice, qui consiste à engueuler en français tous ceux qui te font chier. "Oh tu vas te pousser toi!", "Ca te dérange pas de me souffler dans la gueule?", ou plus prosaïque et plus courant "Oh ferme ta gueule toi!". Il faut faire gaffe, certains pourraient nous comprendre (la haute de la haute, ou les vieux éduqués d'avant la Révolution Culturelle, très francophiles à l'époque où tous les futurs dirigeants chinois faisaient leurs études à La Sorbonne). Mais c'est tellement bon... Vraiment ça soulage, on se dit qu'il ne faut pas trop en prendre l'habitude, on risquerait de l'importer en France, et ça marcherait beaucoup moins bien forcément...
Par la fenêtre, une succession infinie de paysages cultivés, de nature exploitée jusqu'au dernier mètre carré, parcourue de poteaux et de fils électriques, les usines succèdent aux champs et les champs aux usines, les villes champignons, quelques centrales nucléaires, d'immenses droites rectilignes qui se perdent à l'horizon, routes, autoroutes, voies ferrées, canaux, fleuves boueux domestiqués et pollués. Il paraît que les petits chinois sont choqués lorsqu'ils découvrent que le ciel est bleu, et carrément traumatisés d'apprendre que la mer aussi peut l'être...
"Tu sais à quoi ça ressemble une plage en Chine ? Imagines une foule dans l'eau jusqu'aux genoux, la plupart avec une bouée autour de la taille (peu savent nager), tous habillés en combinaison short - tee shirts (ils craignent le soleil, être bronzé signifie qu'on est paysan), certains le visage couvert d'un voile, et sur la plage une autre foule, habillée pareille, mais réfugiée dans des tentes Quechua à perte de vue et à touche-touche sur le sable".
Et on rigole, encore, tout ça nous a rapprochés un peu plus, si nécessaire. On a expérimenté la technique anti-stress de Fabrice, qui consiste à engueuler en français tous ceux qui te font chier. "Oh tu vas te pousser toi!", "Ca te dérange pas de me souffler dans la gueule?", ou plus prosaïque et plus courant "Oh ferme ta gueule toi!". Il faut faire gaffe, certains pourraient nous comprendre (la haute de la haute, ou les vieux éduqués d'avant la Révolution Culturelle, très francophiles à l'époque où tous les futurs dirigeants chinois faisaient leurs études à La Sorbonne). Mais c'est tellement bon... Vraiment ça soulage, on se dit qu'il ne faut pas trop en prendre l'habitude, on risquerait de l'importer en France, et ça marcherait beaucoup moins bien forcément...
Par la fenêtre, une succession infinie de paysages cultivés, de nature exploitée jusqu'au dernier mètre carré, parcourue de poteaux et de fils électriques, les usines succèdent aux champs et les champs aux usines, les villes champignons, quelques centrales nucléaires, d'immenses droites rectilignes qui se perdent à l'horizon, routes, autoroutes, voies ferrées, canaux, fleuves boueux domestiqués et pollués. Il paraît que les petits chinois sont choqués lorsqu'ils découvrent que le ciel est bleu, et carrément traumatisés d'apprendre que la mer aussi peut l'être...
Travelling on in the travelling train
Lundi 27 juillet, on se réveille tard. Fabrice doit nous appeler, il a enchaîné avec un nouveau tournage, cette fois-ci ce n'est pas de la bagnole, des montres ou des téléphones, mais de la maroquinerie. Des sacs quoi. 5 publicités de 8 secondes, diffusion mondiale sur Smartphone uniquement. Le directeur artistique de l'agence de pub parisienne arrive de New-York où il a vu le client pour valider le story board, et ils enquillent directement le tournage. La veille, dimanche, ils ont fini tard dans la nuit, pour rattaquer tôt le lundi matin avec les montages, sieur José aux commandes.
Il ne reste plus que trois jours pleins, puisqu'on repart vendredi 31 tôt le matin. Je me sens vide, je ne sais pas comment occuper ces trois dernières journées, je n'ai pas spécialement envie de les occuper, d'ailleurs. J'ai comme l'impression que je ne tirerai pas grand chose de plus de ce séjour, à part de passer encore quelques bons moments entre amis, sortir, boire et manger. Je me souviens de ce vague à l'âme que je ressentais les dernières semaines au Brésil, quand j'ai décidé de rentrer, je n'avais plus ni la force ni l'envie d'explorer, de découvrir, de rencontrer. Spleen sous les Tropiques. J'organisais mes journées avec les mêmes rituels, la boulangerie le matin où j'achetais des petits pains, du fromage et de la charcuterie. Vers treize heures j'allais déjeuner à deux pas de la pension de Dona Carmelia, une cantine pour ouvriers, briques couvertes de tôles, murs en grillage, azulejos, poulet-arroz-feijao avec la farine de manioc. Puis je rentrais dans ma chambre, j'écoutais la Radio MPB (Musica Popular Brasileira) en fumant le reste de ma locale, odorante et peu active.
José et sa femme Pamela nous ont parlé d'un excellent restaurant de serpents, je suis assez tenté, il paraît que ça vaut le coup, on les voit vivants avant. C'est la phobie de Fabrice, donc ce sera sans lui. Finalement ça ne se fera pas. Fabrice demande à Maceo ce qu'il voudrait faire le dernier soir, le gamin dit bowling, moi ouhai... Du coup on se mate "The big Lebowski" en DVD, en VO, l'enfant ne l'a jamais vu, chouette partage père-fils.
On rejoint Fabrice et son client au bureau, ils finissent tard, on commande des pizzas et du vin et ça se termine en tournois billard / console / fléchettes.
Le lendemain on se promène gentiment en ville, puis on prend un taxi pour visiter le musée de la première réunion du Parti Communiste Chinois, à Xitiendi (Xi se pononce Chi). Je dis au taxi "Chitiendi" en montrant sur la carte, il ne comprend pas, je lui répète, et dans un large sourire il dit "Ah ! XitienDI" en accentuant la dernière syllabe. C'est sûr ça change tout.
Il ne reste plus que trois jours pleins, puisqu'on repart vendredi 31 tôt le matin. Je me sens vide, je ne sais pas comment occuper ces trois dernières journées, je n'ai pas spécialement envie de les occuper, d'ailleurs. J'ai comme l'impression que je ne tirerai pas grand chose de plus de ce séjour, à part de passer encore quelques bons moments entre amis, sortir, boire et manger. Je me souviens de ce vague à l'âme que je ressentais les dernières semaines au Brésil, quand j'ai décidé de rentrer, je n'avais plus ni la force ni l'envie d'explorer, de découvrir, de rencontrer. Spleen sous les Tropiques. J'organisais mes journées avec les mêmes rituels, la boulangerie le matin où j'achetais des petits pains, du fromage et de la charcuterie. Vers treize heures j'allais déjeuner à deux pas de la pension de Dona Carmelia, une cantine pour ouvriers, briques couvertes de tôles, murs en grillage, azulejos, poulet-arroz-feijao avec la farine de manioc. Puis je rentrais dans ma chambre, j'écoutais la Radio MPB (Musica Popular Brasileira) en fumant le reste de ma locale, odorante et peu active.
José et sa femme Pamela nous ont parlé d'un excellent restaurant de serpents, je suis assez tenté, il paraît que ça vaut le coup, on les voit vivants avant. C'est la phobie de Fabrice, donc ce sera sans lui. Finalement ça ne se fera pas. Fabrice demande à Maceo ce qu'il voudrait faire le dernier soir, le gamin dit bowling, moi ouhai... Du coup on se mate "The big Lebowski" en DVD, en VO, l'enfant ne l'a jamais vu, chouette partage père-fils.
On rejoint Fabrice et son client au bureau, ils finissent tard, on commande des pizzas et du vin et ça se termine en tournois billard / console / fléchettes.
Le lendemain on se promène gentiment en ville, puis on prend un taxi pour visiter le musée de la première réunion du Parti Communiste Chinois, à Xitiendi (Xi se pononce Chi). Je dis au taxi "Chitiendi" en montrant sur la carte, il ne comprend pas, je lui répète, et dans un large sourire il dit "Ah ! XitienDI" en accentuant la dernière syllabe. C'est sûr ça change tout.
Mao, seul debout au centre de la photo, alors qu'il n'était qu'humble scribouillard modestement assis. Kenny le collectionneur nous a montré le carnet avec les signatures des 12 personnes présentes ce jour là, parmi les 15 inscrits au Parti en 1921.
Le soir nous rencontrons Maïa, une amie allemande de Fabrice, qui a raccourci son séjour dans son Heimat pour nous rencontrer, c'est touchant. On apéritive, on dîne et on va dans un Club de Jazz, magnifique, petites alcôves, quelques tables bruyantes de chinois quinqua accompagnés de chinoises plus jeunes, excellent trio électrique, et oui il y a aussi une vie culturelle pas dégueu, enfin même beaucoup mieux que ça. Ce Club est un rêve de club, les plus grands y sont passés, leurs photos ornent les murs, c'est exactement le type de salle que je rêvais d'ouvrir dans mes jeunes années.
Mercredi une dernière petite excursion est prévue, dans une ville charmante avec des canaux et des jonques que tous nous recommandent, il faut la voir, c'est à moins d'une heure, nous regoûtons au confort de la voiture avec chauffeur. Cartes postales.
Mercredi une dernière petite excursion est prévue, dans une ville charmante avec des canaux et des jonques que tous nous recommandent, il faut la voir, c'est à moins d'une heure, nous regoûtons au confort de la voiture avec chauffeur. Cartes postales.
Dans le trafic du retour, Bentley, Jaguar, Ferrari, Rolls, plus que je n'en ai jamais vu (une Rolls avec des strass, une Ferrari rose), et plein de Tesla, alors que je n'en avais vu qu'une seule fois à Paris. Les BM et les Mercedes derniers modèles font standard à côté.
Ces deux dernières journées, le thermomètre monte, la température ressentie est de 50°, avec 100% d'humidité, ça nous abat... On commence à rêver aux 25-30° de notre chère petite Nièvre que nous retrouverons vite, à ses nuits douces et ses ondées rafraîchissantes, à ses deux cent mille habitants seulement, ça sent bon le retour ! C'est l'un des charmes du voyage, le retour.
On passe les derniers bons moments avec Gaëtan, Charlotte, José (Argentin, parents aux Baléares, ayant vécu en Espagne et parlant très bien le français. Son expression favorite nous poursuit encore à ce jour, "C'est une belle merde", prononcée avec un léger accent du Sud, la voix grave et le "r" roulé), sa compagne Mexicaine Pamela, Hannes, un Allemand très drôle (dans une discussion, quelqu'un dit "fascisme", et il se retourne "on a parlé de moi ?"), et Chen qui nous a accompagné dans plusieurs dégagements. Elle parle un français admirable, sort avec un Français, et a vécu quatre ans en France principalement en Bourgogne, ça ne s'invente pas. Un soir elle a emmené Maceo d'un bar à un resto en scooter, expérience. J'étais heureux pour lui, pas du tout inquiet, juste heureux. Ca m'a rappelé un temps fort de mes 15-16 ans, à Rome, assis à l'arrière de la moto de Luca, filant dans le trafic du soir, dans la douceur et l'orange romaines... Juste après Nanni Moretti sortait "Journal Intime", avec ses longues réflexions au guidon de son scooter dans Rome, imprimant plus fort encore cette sensation merveilleuse au plus profond de ma chair et de mon coeur. Tiens, Shanghaï s'habille aussi d'orange, le dernier soir.
Ces deux dernières journées, le thermomètre monte, la température ressentie est de 50°, avec 100% d'humidité, ça nous abat... On commence à rêver aux 25-30° de notre chère petite Nièvre que nous retrouverons vite, à ses nuits douces et ses ondées rafraîchissantes, à ses deux cent mille habitants seulement, ça sent bon le retour ! C'est l'un des charmes du voyage, le retour.
On passe les derniers bons moments avec Gaëtan, Charlotte, José (Argentin, parents aux Baléares, ayant vécu en Espagne et parlant très bien le français. Son expression favorite nous poursuit encore à ce jour, "C'est une belle merde", prononcée avec un léger accent du Sud, la voix grave et le "r" roulé), sa compagne Mexicaine Pamela, Hannes, un Allemand très drôle (dans une discussion, quelqu'un dit "fascisme", et il se retourne "on a parlé de moi ?"), et Chen qui nous a accompagné dans plusieurs dégagements. Elle parle un français admirable, sort avec un Français, et a vécu quatre ans en France principalement en Bourgogne, ça ne s'invente pas. Un soir elle a emmené Maceo d'un bar à un resto en scooter, expérience. J'étais heureux pour lui, pas du tout inquiet, juste heureux. Ca m'a rappelé un temps fort de mes 15-16 ans, à Rome, assis à l'arrière de la moto de Luca, filant dans le trafic du soir, dans la douceur et l'orange romaines... Juste après Nanni Moretti sortait "Journal Intime", avec ses longues réflexions au guidon de son scooter dans Rome, imprimant plus fort encore cette sensation merveilleuse au plus profond de ma chair et de mon coeur. Tiens, Shanghaï s'habille aussi d'orange, le dernier soir.
Le jeudi 30 juillet au soir, nous terminons donc au bowling. Ils sont venus ils sont tous là, même ceux que l'on a vu qu'une fois, les compagnes ou compagnons que l'on avait pas encore rencontrés, ils ont répondu à l'invitation de Maceo en quelque sorte, puisque c'est son idée. Charlotte avait lancé l'idée d'un dress code "Big Lebowski" mais on a abandonné. Moi je n'aime vraiment pas trop ça, on se fait livrer des pizzas dans la salle, on boit des bières pisse d'âne, je vis cela d'une manière assez détachée, je suis là mais je suis pas là, je suis déjà un peu parti. Je pars toujours un peu avant de partir, si vous voyez ce que je veux dire. Heureusement il y a des billards dans cette immense salle, et deux tables de snooker, mon préféré, 15 ans au moins que je n'y ai pas joué. Elles sont tout au fond, on s'isole une bonne heure avec Fabrice, qui me bat, mais je rentre quelques jolies boules, des longues en ligne droite, des courtes en angle inversé dans la poche du milieu, c'est la plus dure la poche du milieu.
Bowling for Shanghaï.
Bien sûr comme avant chaque long vol nous avons le choix entre nuit blanche ou quelques heures de sommeil quand même. Je choisis la seconde, Maceo la première. Je rentre seul en taxi, laissant l'enfant à son parrain. Ils iront en discothèque (première fois), Maceo boira une bière (Corona, première fois), une chinoise lui demandera son 06 (première fois), et il rentrera en scooter cette fois-ci avec parrain, vers 4 heures du matin, le réveil sonne à six heures.
Vol sans encombre, transfert tranquille à London, à part que je loupe la seule occasion de griller une clope en 24 heures. Entre Londres et Paris, je suis assis à côté d'un jeune homme, il me demande en anglais le nom du château qui passe sous l'aile droite dans le premier virage à gauche après le décollage, et nous poursuivons en français, puisque français nous sommes. Il revient d'Australie, trois semaines de camping itinérant le long des côtes, avec le comité d'entreprise de ses parents. Il me donne ses impressions, l'immensité du territoire, la faible densité de population, regroupée dans les villes sur la côte, les villes n'excédant pas le million d'habitants, l'accueil chaleureux, l'aborigène qui leur chante "Alouette, gentille alouette" en plein désert. A Londres je repère une magnifique jeune fille qui prend notre vol, longs échanges de regards, elle s'assoit deux rangs devant moi à gauche, je sens monter en moi quelque chose que je n'ai pas ressenti depuis longtemps, je prépare une approche, j'écris un mot, mais je repousse l'abordage. Elle est brune, peau mate, beau visage entre Monica Bellucci et Sandrine, mon amour de lycée.
L'arrivée à Orly se fait gentiment, y'a pas on est heureux, calmes et sereins, mais la fille s'en est allée en me jetant un dernier regard, je l'ai perdue à la récupération des bagages car elle n'en avait pas. Con de mime. Con de moi. Je reste avec ma carte : "vous avez illuminé ma journée, pourriez-vous illuminer ma vie ?"
Con, vous dis-je.
J'ai laissé le Golf quinze jours sur un parking, le mini-bus de la société est là trois minutes après mon appel. On s'est posé à 19h55, à 20h25 on est dans la bagnole, et à 22 heures on arrive à La Charité-sur-Loire, chez Mâman.
Retour à Nevers, par l'autoroute de l'Arbre, "notre autoroute" disent les Nivernais tant il n'y a que nous dessus, Nevers, le "Never" de Marguerite Duras, Hiroshima mon amour, plus jamais ça, les camps de la mort, les bombes atomiques dont nous "fêtons" le 70ème anniversaire, août 45 - août 2015, la reddition du Japon, qui ouvre la voie à la République Populaire de Chine. En chemin je vois Maceo se curer ostensiblement le nez, je fais pareil, ce n'est plus des crottes de nez ce sont des amas de matière noire, des crottes nucléaires dixit l'enfant.
On tousse encore un mois après notre retour. Et on crache aussi (la, la, la, Cabrel).
On rentre dans nos pénates, notre nouvelle appartement pour une nouvelle vie, avenue du Général, retour au point de départ. Ce qui est cool c'est que Fabrice rentre le lendemain, dimanche 3 août, et rejoint sa fille Melia qui est à Nevers chez ses grands-parents depuis quinze jours déjà. J'improvise un bivouac sur une île de Loire en appelant mon copain marinier Bibi. Ca sera excellent de se retrouver trois jours après s'être quitté à Shanghaï dans le silence de la Loire.
Dimanche il fait beau, je rejoins Bibi pour une nav' Le Guétin-Fourchambault, objectif le marché couvert pour se ravitailler en bons produits de chez nous (compris pâtisseries arabes). Fourchambault, dont on a tant parlé là-bas, notamment de l'Ecole Fourchambaultaise de Pisychologie (chez Mireille), dont nous sommes les dignes héritiers. C'est excellent, en effet, petits chèvres et Pouilly, on fait un feu, on monte les tentes, on espérait voir un beau ciel étoilé, mais à deux heures du mat' l'averse tombe, non stop jusqu'au matin. On plie sous l'eau, on traverse en canoë, on touche la berge frigorifiés, boueux et tripés, mais contents, même les enfants ont gardé le sourire.
Vol sans encombre, transfert tranquille à London, à part que je loupe la seule occasion de griller une clope en 24 heures. Entre Londres et Paris, je suis assis à côté d'un jeune homme, il me demande en anglais le nom du château qui passe sous l'aile droite dans le premier virage à gauche après le décollage, et nous poursuivons en français, puisque français nous sommes. Il revient d'Australie, trois semaines de camping itinérant le long des côtes, avec le comité d'entreprise de ses parents. Il me donne ses impressions, l'immensité du territoire, la faible densité de population, regroupée dans les villes sur la côte, les villes n'excédant pas le million d'habitants, l'accueil chaleureux, l'aborigène qui leur chante "Alouette, gentille alouette" en plein désert. A Londres je repère une magnifique jeune fille qui prend notre vol, longs échanges de regards, elle s'assoit deux rangs devant moi à gauche, je sens monter en moi quelque chose que je n'ai pas ressenti depuis longtemps, je prépare une approche, j'écris un mot, mais je repousse l'abordage. Elle est brune, peau mate, beau visage entre Monica Bellucci et Sandrine, mon amour de lycée.
L'arrivée à Orly se fait gentiment, y'a pas on est heureux, calmes et sereins, mais la fille s'en est allée en me jetant un dernier regard, je l'ai perdue à la récupération des bagages car elle n'en avait pas. Con de mime. Con de moi. Je reste avec ma carte : "vous avez illuminé ma journée, pourriez-vous illuminer ma vie ?"
Con, vous dis-je.
J'ai laissé le Golf quinze jours sur un parking, le mini-bus de la société est là trois minutes après mon appel. On s'est posé à 19h55, à 20h25 on est dans la bagnole, et à 22 heures on arrive à La Charité-sur-Loire, chez Mâman.
Retour à Nevers, par l'autoroute de l'Arbre, "notre autoroute" disent les Nivernais tant il n'y a que nous dessus, Nevers, le "Never" de Marguerite Duras, Hiroshima mon amour, plus jamais ça, les camps de la mort, les bombes atomiques dont nous "fêtons" le 70ème anniversaire, août 45 - août 2015, la reddition du Japon, qui ouvre la voie à la République Populaire de Chine. En chemin je vois Maceo se curer ostensiblement le nez, je fais pareil, ce n'est plus des crottes de nez ce sont des amas de matière noire, des crottes nucléaires dixit l'enfant.
On tousse encore un mois après notre retour. Et on crache aussi (la, la, la, Cabrel).
On rentre dans nos pénates, notre nouvelle appartement pour une nouvelle vie, avenue du Général, retour au point de départ. Ce qui est cool c'est que Fabrice rentre le lendemain, dimanche 3 août, et rejoint sa fille Melia qui est à Nevers chez ses grands-parents depuis quinze jours déjà. J'improvise un bivouac sur une île de Loire en appelant mon copain marinier Bibi. Ca sera excellent de se retrouver trois jours après s'être quitté à Shanghaï dans le silence de la Loire.
Dimanche il fait beau, je rejoins Bibi pour une nav' Le Guétin-Fourchambault, objectif le marché couvert pour se ravitailler en bons produits de chez nous (compris pâtisseries arabes). Fourchambault, dont on a tant parlé là-bas, notamment de l'Ecole Fourchambaultaise de Pisychologie (chez Mireille), dont nous sommes les dignes héritiers. C'est excellent, en effet, petits chèvres et Pouilly, on fait un feu, on monte les tentes, on espérait voir un beau ciel étoilé, mais à deux heures du mat' l'averse tombe, non stop jusqu'au matin. On plie sous l'eau, on traverse en canoë, on touche la berge frigorifiés, boueux et tripés, mais contents, même les enfants ont gardé le sourire.
Le lendemain Maceo part à Biarritz rejoindre sa mère pour trois semaines, moi il me reste 5 jours avant la reprise. Je vais les passer en Charente chez Fred et Letty, mes amis de Nanteuil-en-Vallée. Comme à chaque fois l'été nous prévoyons une descente de la Charente en canoë. J'adore cette rivière, avec ses tunnels d'arbres, ses milliers de libellules posées sur les nénuphars, son eau douce et fraîche, si vivifiante.
La Loire puis la Charente me lavent du bruit, de la pollution et du reste, l'eau remplit mon vide, j'ai l'impression.
La Loire puis la Charente me lavent du bruit, de la pollution et du reste, l'eau remplit mon vide, j'ai l'impression.
Old Man River.
Atterrissage. Deux "t" deux "r" deux "s", il faut bien ça pour atterrir. J'atterris encore, c'est le genre de voyage que l'on médite longtemps après, le cours de mes pensées file et navigue entre Orient et Occident. Est, où est ? Ai-je vu le monde à venir ? Un nouveau monde est à naître, ai-je vu son foetus ?
Que va devenir notre monde, notre humanité, notre Ancien Monde face au Nouveau qui s'apprête à nous balayer par simple force mécanique, démographique, mathématique, technologique, tel un tsunami ?
Que va devenir notre monde, notre humanité, notre Ancien Monde face au Nouveau qui s'apprête à nous balayer par simple force mécanique, démographique, mathématique, technologique, tel un tsunami ?
Wave from East Side.
Hasard, coïncidence, je vous aime. Arte enchaîne par une série Thema sur la Chine, Tien AnMen, l'étudiant à vélo qui s'en fiche, c'est bien fait pour eux. Tianjin explose, à 150 kilomètres au Sud de Pékin, sur le littoral, ne nous sommes passés qu'à quelques dizaines de kilomètres à côté. Il a fallu que ce soit colossal pour sortir des frontières, des petits Tianjin il y en a tous les jours. Le peuple chinois se réveille-t-il ? Je les ai vu demander aux dirigeants "un avenir propre pour nos enfants".
Cette catastrophe ne me surprend pas, c'est comme si j'en avais eu le pressentiment, toutes ces craintes sourdes que je sentais tourner en moi, surtout à Pékin, surtout cette horrible nuit. En Chine nulle part vous ne pouvez boire l'eau du robinet. La Chine dispose de la plus grande réserve mondiale d'eau, polluée à 85%. Les sols ne sont déjà plus fertiles. Après l'eau, le sable est la deuxième ressource naturelle la plus exploitée, et c'est gratuit. La Chine utilise le quart du sable consommé dans le monde, pour construire des villes entières sans habitants, créant une bulle spéculative qui commence à exploser. Ce sable est illégalement récoltée dans toute l'Asie du Sud-Est, notamment en Indonésie, ravageant les littoraux. L'Indonésie sera un des premiers pays touché par la montée des eaux, déjà douze de ses îles ont disparues.
Je pense aux dissidents, au courage de tous les dissidents mais surtout les chinois, quel culot, quelle folie, quel courage de se battre contre un tel mastodonte, je leur rends hommage, Wei-Wei, Chen Guangcheng, cet avocat aveugle qui a réussi à s'enfuir de sa résidence surveillée. Après avoir escaladé 5 murs, il a été recueilli par des paysans, puis par des soutiens qui l'ont amené à Pékin. Là il a décidé de demander l'asile à l'ambassade américaine. Pourquoi l'américaine ? "Parce qu'ils avaient un discours fort sur les droits de l'homme". Il n'a même pas pensé à la France, nous n'avons plus un discours fort sur les droits de l'homme, depuis qu'on le monnaye contre des accords commerciaux. Aujourd'hui il vit aux Etats-Unis, il a réussi à faire venir sa famille. Tous ceux qui l'ont aidé dans son évasion sont en prison.
Il y a aussi ce krach boursier à Shanghaï, qui fait trembler le monde (mais pas la France, même pas peur). Tous les écrans sont verts, la couleur de la baisse, autre différence magistrale. Ca y est ils ont arrêté les coupables, deux journalistes qui se sont confessés. Oui c'est ma faute, j'ai voulu faire l'intéressant, j'ai nui à mon pays, je vous fais mes excuses, comme si un homme était à l'origine dans cette autre catastrophe. Que leur arrivera-t-il ?
Retour à la normale, normal ? Des cortèges humains traversent l'Europe, à pied, en train, en bateaux, ce n'est que le début, les réfugiés des guerres seront bientôt rejoints par les réfugiés climatiques, ce n'est que le début, doit-on s'habituer à voir ces défilés de pauvres hères passer sous nos fenêtres ? Que ferons-nous ? Allons-nous supporter longtemps ce spectacle, ces mensonges, ces massacres, ces injustices ?
Je reprends ma vie, je reprends le cours de ma vie, ce putain de quotidien, je reprends mon Golf (diesel, pardon, pardon, vive Souchon, tiens faut que je fasse le plein), je reprends mon taf, je me relève et je repars, changé, chargé de doutes et d'espérances, pour moi, pour mon fils, pour ma Nièvre, pour ma France, pour l'Europe, pour le Monde qui vient. Il faut rester debout. Faut pa molli' (avec l'accent créole)
Cette catastrophe ne me surprend pas, c'est comme si j'en avais eu le pressentiment, toutes ces craintes sourdes que je sentais tourner en moi, surtout à Pékin, surtout cette horrible nuit. En Chine nulle part vous ne pouvez boire l'eau du robinet. La Chine dispose de la plus grande réserve mondiale d'eau, polluée à 85%. Les sols ne sont déjà plus fertiles. Après l'eau, le sable est la deuxième ressource naturelle la plus exploitée, et c'est gratuit. La Chine utilise le quart du sable consommé dans le monde, pour construire des villes entières sans habitants, créant une bulle spéculative qui commence à exploser. Ce sable est illégalement récoltée dans toute l'Asie du Sud-Est, notamment en Indonésie, ravageant les littoraux. L'Indonésie sera un des premiers pays touché par la montée des eaux, déjà douze de ses îles ont disparues.
Je pense aux dissidents, au courage de tous les dissidents mais surtout les chinois, quel culot, quelle folie, quel courage de se battre contre un tel mastodonte, je leur rends hommage, Wei-Wei, Chen Guangcheng, cet avocat aveugle qui a réussi à s'enfuir de sa résidence surveillée. Après avoir escaladé 5 murs, il a été recueilli par des paysans, puis par des soutiens qui l'ont amené à Pékin. Là il a décidé de demander l'asile à l'ambassade américaine. Pourquoi l'américaine ? "Parce qu'ils avaient un discours fort sur les droits de l'homme". Il n'a même pas pensé à la France, nous n'avons plus un discours fort sur les droits de l'homme, depuis qu'on le monnaye contre des accords commerciaux. Aujourd'hui il vit aux Etats-Unis, il a réussi à faire venir sa famille. Tous ceux qui l'ont aidé dans son évasion sont en prison.
Il y a aussi ce krach boursier à Shanghaï, qui fait trembler le monde (mais pas la France, même pas peur). Tous les écrans sont verts, la couleur de la baisse, autre différence magistrale. Ca y est ils ont arrêté les coupables, deux journalistes qui se sont confessés. Oui c'est ma faute, j'ai voulu faire l'intéressant, j'ai nui à mon pays, je vous fais mes excuses, comme si un homme était à l'origine dans cette autre catastrophe. Que leur arrivera-t-il ?
Retour à la normale, normal ? Des cortèges humains traversent l'Europe, à pied, en train, en bateaux, ce n'est que le début, les réfugiés des guerres seront bientôt rejoints par les réfugiés climatiques, ce n'est que le début, doit-on s'habituer à voir ces défilés de pauvres hères passer sous nos fenêtres ? Que ferons-nous ? Allons-nous supporter longtemps ce spectacle, ces mensonges, ces massacres, ces injustices ?
Je reprends ma vie, je reprends le cours de ma vie, ce putain de quotidien, je reprends mon Golf (diesel, pardon, pardon, vive Souchon, tiens faut que je fasse le plein), je reprends mon taf, je me relève et je repars, changé, chargé de doutes et d'espérances, pour moi, pour mon fils, pour ma Nièvre, pour ma France, pour l'Europe, pour le Monde qui vient. Il faut rester debout. Faut pa molli' (avec l'accent créole)
Et le soleil se lève encore à l'Est...
Welcome to Never, Monday the 10th of August 2015, vous écoutez le 7/9 de France Inter...
Xi Jinping, défilé militaire pour la commémoration des 70 ans de la reddition japonaise, 3 septembre 2015 :
- "Qu'importe à quel point elle deviendra forte, la Chine ne cherchera jamais l'hégémonie ou l'expansionnisme."
Nous voilà rassurés.
Tous droits réservés.
- "Qu'importe à quel point elle deviendra forte, la Chine ne cherchera jamais l'hégémonie ou l'expansionnisme."
Nous voilà rassurés.
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